Date à retenir pour l’évaluation des biens des époux en cas de séparation
mars 4, 2015
On sait que la séparation de corps met fin à l’obligation de vie commune d’un couple marié.
On sait également que le jugement de séparation de corps est prononcé dans les mêmes cas et les mêmes conditions que celui de divorce, mais ce n’est pas un divorce puisque les époux peuvent reprendre la vie commune s’ils le souhaitent, et à tout moment.
On sait moins que des règles très précises ont été édictées afin d’organiser la liquidation du patrimoine, fixant des dates parfois très espacées dans le temps pour le calcul des droits, selon la procédure adoptée.
Il s’avère en effet dans la pratique que les règles régissant la séparation de corps sont parfois déroutantes, surtout pour le béotien, car, malgré le souci de cohésion du législateur, elles dérogent au droit commun du divorce, beaucoup plus usité de nos jours.
Il arrive également que des époux, après une longue vie commune, séparent leur existence sans initier de procédure de séparation judiciaire, pour diverses raisons, notamment économiques.
Mais ceci peut alors entraîner des conséquences fâcheuses sur le sort de leur patrimoine, qui continue en effet à être en principe considéré comme un patrimoine commun, les Français étant en grande majorité mariés sous le régime de la communauté des biens.
Ces conséquences peuvent même devenir désastreuses lorsque le patrimoine est relativement important ou mouvant, rendant la liquidation du régime matrimonial subséquent plus compliquée et laborieuse, parfois impossible.
Il vaut donc mieux en règle générale régulariser la situation au plus vite devant le juge afin d’éviter les nombreuses complications inhérentes à ce genre de séparation.
Mais, même dans ce cas, les difficultés peuvent s’amonceler devant le justiciable mal conseillé ou peu averti.
À quand précisément peut-on fixer, en ce qui concerne les biens des époux, la date de la séparation de corps ?
L’article 262 du Code Civil prévoit que « le jugement de divorce est opposable aux tiers, à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies. »
L’article 262-1, le plus important dans notre démonstration car il énonce des principes généraux, précise quant à lui:
« Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
- lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;
- lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l’ordonnance de non-conciliation.
A la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. »
Donc plusieurs dates sont susceptibles d’être retenues par les juges, concernant les biens, selon la forme de procédure adoptée (amiable ou contentieuse) et selon les parties concernées (époux ou tiers).
Il est donc intéressant de bien mesurer la portée de ces principes lorsqu’on s’engage dans telle ou telle procédure, car cela va avoir un effet non négligeable sur l’appréciation du patrimoine de chacun.
Enfin, l’article 262-2, dans un but de protection du conjoint le plus fragile, prévoit que « toute obligation contractée par l’un des époux à la charge de la communauté, toute aliénation de biens communs faite par l’un d’eux dans la limite de ses pouvoirs, postérieurement à la requête initiale, sera déclarée nulle, s’il est prouvé qu’il y a eu fraude aux droits de l’autre conjoint.
Et, en ce qui concerne plus spécialement la séparation de corps, l’article 302 du même code stipule:
« La séparation de corps entraîne toujours séparation de biens. En ce qui concerne les biens, la date à laquelle la séparation de corps produit ses effets est déterminée conformément aux dispositions des articles 262 à 262-2.
On voit donc clairement que, pour la séparation de corps, le législateur a entendu calquer les règles de la liquidation des biens sur celles du divorce, puisqu’il renvoie à ce titre aux articles du code concernant le divorce.
La Cour d’Appel de Grenoble avait cru se passer de ce principe de réciprocité en refusant d’accueillir, dans le cadre d’une procédure en séparation de corps pour altération définitive du lien conjugal, la demande du mari tendant à la faire remonter à la date de la séparation de fait des époux.
Le motif de rejet, selon la Cour, était que le législateur ayant rappelé qu’une telle demande ne pouvait être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce, excluait ainsi de facto l’action en séparation de corps
La Cour de Cassation a cassé ce raisonnement en rappelant la généralité des règles énoncées par l’article 262-1, penchant sans doute pour une rédaction maladroite de l’alinéa 4 de ce même article.