Recel successoral
septembre 19, 2015
Le recel successoral n’est pas défini par le code civil, c’est une construction jurisprudentielle. Les Tribunaux fixent, de manière empirique, affaire après affaire, la liste des cas pouvant entrer dans la catégorie des actes de recel.
Par contre, l’article 778 du Code Civil fixe les conséquences du recel et dispose que :
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »
Récemment, dans un arrêt du 12 juin 2014, la Cour de Cassation a été saisie d’un cas de recel: des bons au porteur avaient été distraits d’une succession, dont le vol avait été déclaré par la défunte avant son décès et que l’une des cohéritières prétendait maintenant avoir reçu en donation manuelle.
Mais comment la dissimulation était-elle parvenue à la connaissance de la seconde cohéritière ?
L’arrêt est clair à ce propos:
« Mme Claudette X… était avisée par la Compagnie Axa de ce que Mme Danièle X… avait présenté les bons de capitalisation à l’encaissement ; que, par courrier du même jour, Mme Claudette X… indiquait à la Compagnie Axa que sa soeur Danièle n’aurait retrouvé les bons au porteur qu’après le décès de leur mère et après le règlement des successions en déménageant la maison ; qu’elle indiquait que sa soeur lui avait refusé de lui en remettre la moitié ; qu’elle indiquait en conséquence maintenir l’opposition de sa mère ; que Mme Danièle X… épouse Z… soutient que les bons litigieux venaient équilibrer les sommes versées par leurs parents à leurs deux filles sachant qu’ils portaient la mention « au porteur et peut être cédé sans formalité » ; qu’elle n’établit pas la réalité de ses affirmations concernant le fait que son père les lui aurait transmis à la fin de l’année 1990 ou début 1991 pour partie, puis en 1998 pour une autre partie et que sa mère lui ait remis le reste à la fin de l’année 2000 «
La Cour statuait donc sans surprise sur la réalité du recel, par un raisonnement imparable:
« -soit Mme Danièle X… a fait l’objet d’une donation comme elle le soutient et il y a lieu de s’étonner à tout le moins que, lors du partage signé entre les parties à la suite du décès de Mme Madeleine X…, le 3 juillet 2008, elle n’ait pas fait mention, dans le rappel de toutes les donations, de cette donation forcément effectuée par préciput et hors part ;
- soit Mme Danièle X… s’est emparée des bons litigieux par une soustraction à l’insu de ses parents et de sa soeur ;
qu’en tout état de cause, dans les deux cas de figure, Mme Danièle X… a commis une dissimulation et a ainsi fait preuve de mauvaise foi ; qu’elle ne saurait soutenir n’avoir pas eu conscience de ce que les bons devaient entrer dans l’actif successoral quand, dans le même temps, elle affirme que son entrée en possession des bons était destinée à compenser l’aide que ses parents avaient pu apporter à sa soeur lorsque cette dernière avait rencontrer des difficultés, sous-entendant ainsi qu’elle n’avait pas à les rapporter ; qu’il apparaît bien qu’il ne soit pas possible de déterminer de quelle manière Mme Danièle X… s’est retrouvée en possession des bons litigieux mais que la version alléguée par sa soeur soit la plus probante ; qu’à tout le moins, l’intention frauduleuse de Mme Danièle X… est suffisamment démontrée « .