Curatelle renforcée et respect du contradictoire
juin 18, 2014
M. X. a été placé sous curatelle renforcée, l’Entraide sociale de la Loire, étant désignée en qualité de curateur.
Par jugement du 28 octobre 2011, un juge des tutelles a maintenu cette mesure pour une période de cinq ans.
La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 12 février 2014, affirme qu’il ne résulte ni des énonciations de l’arrêt, ni des pièces de la procédure, que M. X., qui n’était pas assisté lors de l’audience, ait été avisé de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il ait été mis en mesure de prendre connaissance, avant l’audience, des pièces présentées à la juridiction, partant de les discuter utilement.
Ainsi, il n’a pas été satisfait aux exigences des articles 16 et 1222-1 du code de procédure civile.
Principe général fixé par l’article 16 :
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
Plus spécialement, en ce qui concerne la procédure devant le juge des tutelles, l’article 1222-1 stipule :
« A tout moment de la procédure, le dossier peut être consulté au greffe de la juridiction qui le détient, sur demande écrite et sans autre restriction que les nécessités du service, par le majeur à protéger ou protégé, le cas échéant, par son avocat ainsi que par la ou les personnes chargées de la protection.
Lorsque la demande de consultation du dossier émane du majeur, le juge peut, par ordonnance motivée notifiée à l’intéressé, exclure tout ou partie des pièces de la consultation si celle-ci est susceptible de lui causer un préjudice psychique grave. »
En ce qui concerne les demandes de mises sous tutelle ou autres mesures de protection juridique des mineurs et des majeurs protégés, il est en effet indispensable que la personne (ou son avocat) qui fait l’objet d’une telle mesure ait pu prendre connaissance du contenu du dossier du magistrat, la mesure envisagée risquant d’entraîner pour lui des changements importants dans son existence.
La Cour de Cassation rappelle encore une fois dans cet arrêt que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement.
Elle ajoute que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge, ce qui, dans un Etat de droit, est la chose la plus naturelle qui soit.
Par contre, le terme « nécessités du service » est un terme très vague et le Conseil devra vérifier que cette expression, si on la lui oppose, correspond bien à la situation en cause.
Le terme « préjudice psychique grave » n’est pas non plus explicité ou commenté, ce qui ouvre la porte à des abus très dommageables pour la défense des intérêts des personnes à « protéger », le magistrat pouvant mettre de côté des pièces importantes pour la défense des intéressés, qui resteront donc « invisibles » dans la procédure, mais qui ne manqueront pas d’avoir une influence certaine dans sa décision finale.