Suspicion légitime et dépaysement judiciaire
avril 20, 2015
Suspicion légitime et dépaysement judiciaire
C’est surtout en matière pénale que l’on va voir invoquer ce concept, très protecteur des droits de la défense.
Il faut toujours partir du texte de loi si l’on veut être précis et efficace.
L’Article 662 du code de procédure pénale définit le cadre général:
« En matière criminelle, correctionnelle ou de police, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut dessaisir toute juridiction d’instruction ou de jugement et renvoyer la connaissance de l’affaire à une autre juridiction du même ordre pour cause de suspicion légitime.
La requête aux fins de renvoi peut être présentée soit par le procureur général près la Cour de cassation, soit par le ministère public établi près la juridiction saisie, soit par les parties. »
On voit que seule la Cour de Cassation peut régler le problème, ce qui est une procédure tout à fait exceptionnelle.
La Cour a 8 jours pour se prononcer car il s’agit très fréquemment de cas urgents.
En droit pénal français, la notion de suspicion légitime est originale, très vague et elle laisse une faculté d’interprétation absolument phénoménale aux magistrats de la Cour Suprême, selon le contexte de l’affaire et ses tenants et aboutissants.
C’est la garantie d’un procès équitable.
Ils doivent »éplucher » tout le dossier, qui père souvent plusieurs centaines de kilos…
Le nouveau juge désigné doit en outre reprendre tout le dossier à zéro.
Plusieurs affaires ont ainsi été dépaysées: après un très long combat, celle des disparues de l’Yonne, normalement instruite à Auxerre, dépaysée à Paris en 2002 pour «lever le trouble et la légitime émotion des familles» à la suite «d’accusations et insinuations» à l’encontre de l’institution judiciaire; l’affaire Bettancourt de Nanterre à Bordeaux, pour cause de rivalité entre juge d’instruction et Parquet.
À l’inverse, d’autres affaires n’ont pas été dépaysées: l’affaire du tueur en série Patrice Alègre, maintenue à Toulouse en 2003, l’affaire du Carlton de Lille, les dossiers Médiator et Clearstream.